Le Docteur Jean-Sébastien Frenel, oncologue à l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, bénéficie depuis le 1er novembre 2021, d’un « temps médical protégé » pour lui permettre de coordonner des travaux de recherche, mais aussi pour se rapprocher des chercheurs.
Temps médical protégé : Dispositif de soutien financier qui permet à un professionnel de santé de participer à des projets de recherche en parallèle de son activité clinique.
Qui êtes-vous et quelles sont vos recherches au sein du SIRIC ILIAD ?
Je suis Jean-Sébastien Frenel, oncologue médical à l’Institut de Cancérologie de l’Ouest et chercheur dans l’équipe 7 du CRCI2NA dirigé par Philippe Juin. Je suis également rattaché au programme PISTER du SIRIC ILIAD dédié à l’oncologie cellulaire, où mes recherches portent sur deux thématiques. La première concerne l’étude des biomarqueurs circulants du cancer, qui vise à détecter et caractériser les tumeurs solides à partir du sang. Ma seconde thématique de recherche se concentre sur l’épigénétique, c’est-à-dire l’étude des mécanismes qui peuvent être acquis par les cellules cancéreuses au cours du temps et avec les traitements.
L’objectif est double : à la fois comprendre les mécanismes de résistance aux traitements et développer des thérapies épigénétiques pour contrer ces résistances. Actuellement, nous réalisons ces recherches pour des tumeurs cérébrales, des cancers gynécologiques, ou encore le cancer du sein. D’un point de vue clinique, l’application potentielle serait d’intervenir avant même l’apparition de la résistance, en mettant en place une thérapie complémentaire.
Epigénétique : Branche de la génétique qui étudie les variations dans l’activité des gènes induites par l’environnement, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires.
Pourquoi avoir choisi ces thématiques de recherche ?
Il y a 10 ans, alors que j’étais jeune médecin, je suis parti au Royaume-Uni dans le cadre de ma formation. Là-bas, j’ai rejoint l’Institut de recherche sur le cancer (The Institute of Cancer research) et l’hôpital royal de Marsden (The Royal Marsden Hospital) où j’ai acquis des connaissances et des compétences d’analyse des biomarqueurs circulants. A mon retour en France, en intégrant l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO), j’ai fait la rencontre de Pierre-François Cartron, chercheur spécialisé en épigénétique, avec qui je collabore depuis lors. J’ai étendu mes collaborations par la suite avec d’autres chercheurs, Julie Gavard et Sophie Barillé-Nion, sur les biomarqueurs circulants.
Qu’est-ce qui vous plaît dans ces thématiques ?
Dans les cancers solides, l’accès à la tumeur peut être difficile et il est parfois compliqué de réaliser un prélèvement de la tumeur. Il arrive que l’on raisonne sur une biopsie qui date de quelques années, faute de mieux, alors qu’il est probable que la tumeur ait évoluée avec le temps. Ce qui me plaît avec les biomarqueurs circulants c’est qu’ils peuvent permettre d’appréhender en temps réel les informations et les caractéristiques de la tumeur. Et cela, sans nécessité de biopsie, seulement avec une analyse de sang.
Biopsie : Prélèvement d’un fragment de tissu ou d’organe pour examen.
Pourquoi avoir fait cette demande de « temps médical protégé » pour consacrer plus de temps à la recherche ?
« Pour la coordination scientifique d’une cohorte sur le cancer du sein : EPICURE »
La première raison qui a motivé ma demande de temps médical protégé concerne la coordination d’une cohorte sur le cancer du sein métastatique, la cohorte EPICURE. Elle recueille au cours du parcours de soin, beaucoup d’éléments, aussi bien cliniques, biologiques que moléculaires. Plus de 100 patientes y ont participé, et grâce à elles, il y a énormément d’informations disponibles. Maintenant, l’important reste de coordonner au mieux les informations médicales avec les résultats des travaux scientifiques, pour optimiser le travail de chacun et accélérer les dynamiques de publication et les interactions scientifiques avec les équipes d’EPICURE.
Cohorte : Ensemble d’individus ayant en commun une particularité se prêtant à une étude statistique.
« Pour se mettre à la place des chercheurs et vice-versa »
La deuxième raison qui m’a poussé à consacrer plus de temps en laboratoire, c’est l’interaction avec les équipes scientifiques, pour me mettre à la place des chercheurs et vice-versa. Je faisais déjà de la recherche, mais ma présence deux journées par semaine dans les laboratoires de recherche INSERM, me permet de me rapprocher des chercheurs et de renforcer mes collaborations avec eux.
Depuis novembre 2021 et pour une durée d’un an, 40% de mon temps est dédié à la recherche, ce qui a nécessité une diminution et une réorganisation de mon activité clinique. Et c’est justement ce point de vue clinique que j’apporte aux équipes de recherche. Les chercheurs travaillent sur des échantillons ou des données brutes, isolés des données médicales mais surtout de la compréhension clinique associée. Par exemple, les équipes de recherches ne savent pas comment se sent un patient atteint d’un cancer, comment il va concrètement. Ce temps médical protégé soutenu par le SIRIC me permet de faire le lien entre la clinique et les laboratoires de recherche, de répondre aux questions médicales des équipes, pour que les échantillons sur lesquels ils travaillent et les résultats obtenus soient en lien avec la réalité médicale des patients.