Marianne Bourdon, chercheuse en psycho-oncologie, a récemment obtenu un « temps médical protégé » pour lui permettre de se concentrer sur ses recherches au sein du SIRIC ILIAD. Elle nous explique sa thématique de recherche et les travaux lancés grâce à son temps protégé.
Temps médical protégé : Dispositif de soutien financier qui permet à un professionnel de santé de participer à des projets de recherche en parallèle de son activité clinique.
Qui êtes-vous et qu’étudiez-vous au sein du SIRIC ILIAD ?
Je suis Marianne Bourdon, chercheuse en psycho-oncologie dans le département des sciences humaines et sociales à l’Institut de Cancérologie de l’Ouest et rattachée au laboratoire SPHERE (Inserm UMR 1246 Nantes & Tours) depuis 7 ans environ. Je participe également au programme ReWork-QoL du SIRIC ILIAD, où mes recherches dans le WP11 portent sur la qualité de vie des patients atteints de cancer, et sur les compétences émotionnelles* en cancérologie.
*Les compétences émotionnelles concernent l’identification, la compréhension, l’expression, la régulation et l’utilisation des émotions sur un versant intra et interpersonnel selon Mikolajczak (2021) et Mikolajczak et al. (2009).
En m’appuyant sur les travaux de recherche dans ce domaine et sur ma formation en Thérapie Comportementale, Cognitive et Emotionnelle (TCCE), j’ai créé une formation pour les professionnels de santé de l’ICO et j’interviens auprès d’étudiants en médecine à Nantes Université. Apprendre à identifier ses propres émotions, peut aider à identifier celles des autres. On peut aussi être attentif au paralangage*, à la distance d’interaction etc. Cette formation peut aussi aider les cliniciens et futurs cliniciens à adapter leur communication en fonction de l’état émotionnel des patients.
* Le paralangage concerne l’ensemble des moyens de communication naturels qui ne font pas partie du système linguistique, mais qui peuvent accompagner et renforcer la parole (expressions du visage, gestes, etc.).
Quel est votre parcours ?
Je n’ai pas tout de suite étudié les émotions, cela s’est fait petit à petit, au fil de mon parcours professionnel. J’ai débuté par une thèse en psychologie sociale et clinique, sur la spiritualité comme stratégie de coping* pour faire face à un mélanome. C’est pendant un premier post-doctorat à l’Université Catholique de Louvain, que j’ai commencé à m’intéresser aux émotions et plus spécifiquement à l’émerveillement profond (awe), une émotion agréable « auto-transcendante » associée au bien-être et à la spiritualité. J’ai depuis continué à étudier les émotions, je me suis formée au TCCE, et j’essaie de mettre ces expériences à profit de mes travaux en oncologie.
* En psychologie, la stratégie de coping est une stratégie mise en place par l’individu pour faire face au stress.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre travail ?
J’aime faire le lien entre la théorie et l’application, et travailler sur les émotions et le développement des compétences émotionnelles s’y prête bien. J’aime aussi le lien avec l’enseignement, les formations. C’est vraiment cette « triangulation » entre l’enseignement, la recherche et le soin qui me plaît. Par exemple, je peux recueillir des informations via des travaux de recherche, dont les résultats m’aideront à créer une formation et on peut ensuite envisager que l’impact de celle-ci puisse être évalué.
Que faites-vous au sein du SIRIC ILIAD grâce à ce temps protégé ?
« Ce temps, je l’utilise pour l’encadrement d’une doctorante »
Grâce à ce temps protégé, 40% de mon temps est dédié au SIRIC ILIAD. Une partie de ce temps est consacré à l’encadrement d’une doctorante, Marie Viseux. Nous échangeons beaucoup, nous co-rédigeons les articles. Par exemple, actuellement nous révisons un commentaire de recherche sur l’intérêt d’aborder les compétences émotionnelles dans des formations s’adressant aux managers accompagnant le retour au travail après cancer. Les managers ne sont pas forcément préparés à soutenir un collaborateur dans cette situation. Après plusieurs mois d’absence, ce dernier peut être ambivalent, à la fois satisfait de reprendre le travail, tout en ayant des appréhensions sur ses capacités. Nous souhaitons nous diriger vers la création d’une formation qui permettrait d’aider les managers à comprendre cette ambivalence émotionnelle et à gérer leurs propres émotions s’ils se sentaient en difficultés.
« Pour valoriser nos recherches par l’écriture d’articles scientifiques »
Ce temps protégé m’est précieux pour valoriser nos recherches par l’écriture d’articles scientifiques : commentaire de recherche, scoping review, études qualitatives… En 2022, l’objectif est de travailler sur le développement post-traumatique (DPT), qui correspond aux changements positifs perçus suite à un évènement traumatique. Par exemple, les priorités changent, les relations aux autres aussi. Avec Marie et d’autres chercheurs du SIRIC ILIAD, Bertrand Porro et Yves Roquelaure, nous souhaitons rédiger un article scientifique sur le DPT et le retour au travail.
« Actualiser mes connaissances et me former »
Je passe également beaucoup de temps à lire et à me former, pour actualiser mes connaissances et pour approfondir des points de méthodologie par exemple. Cela m’a rappelé mes expériences en post-doctorats : j’ai pu prendre le temps d’approfondir un sujet. Ce « temps protégé » est très important et je suis contente d’avoir pu en bénéficier grâce au SIRIC. La recherche est un métier formidable qui nous permet d’apprendre constamment et qui nécessite de prendre le temps.